MANIFESTE
Pourquoi un collectif?
Parce qu’exprimer une opinion, une vision, sont les droits et la responsabilité de tout-e citoyen-ne. Même si ces opinions ne correspondent pas avec certains choix de nos collectivités. Cette démarche est d’autant plus légitime qu’aucune concertation n’a été faite avec la population et ce depuis le début. De cette concertation, une réflexion, des orientations et une réelle dynamique territoriale (incluant citoyens-nes, producteurs locaux, usagers, naturalistes) auraient pu être amorcées.
Vu le manque d’information de la part de nos élus, le collectif se donne également pour objectif d’informer la population quant à l’évolution du projet.
Nombre de scientifiques et politiques au niveau national, européen, mondial alertent sur la nécessité d’arrêter de vouloir maîtriser, exploiter, (artificialisation des sols, fragmentation des milieux naturels...) et profiter financièrement des espaces naturels et des écosystèmes. Déjà en février 2009, le parlement européen avait adopté une résolution invitant les états membres à développer de vastes zones de nature «vierge».
La protection forte de l’ Europe a été définie en 2012 par Wild Europe:
«Un espace à haute naturalité est une zone gouvernée par des processus naturels. Il est composé d’espèces et d’habitats naturels suffisamment grands pour le fonctionnement écologique et effectif des processus naturels. Il est non ou peu modifié et sans activité humaine intrusive ou extractive, habitat permanent, infrastructure ou perturbation visuelle».
Le projet Coucoo va à l’encontre de ces orientations.
Dans cette optique, ce collectif est un sursaut nécessaire et légitime.
Les associations et collectifs environnementaux, Nature en Occitanie, CEA (comité écologique ariégeois), Le Chabot, France Nature Environnement, DAME ( Démocratie A Mirepoix et ses Environs) ont manifesté leur désaccord lors de l’enquête publique. Les éléments et arguments qu’ils ont exprimé devraient être pris en compte. Ces associations soutiennent le collectif À pas de loutre.
Nous soutenons les avis et avertissements de la MRAe Occitanie (Mission régionale d’autorité environnementale) qui ont mis en garde Coucoo dans la procédure de la révision du PLU de Montbel quant au risque de mettre en péril la biodiversité du secteur avec la réalisation de ce projet. Leurs argumentations n’ont pas été suffisamment prises en compte malgré deux avis défavorables.
«La MRAe rappelle que seul l’évitement strict de tout aménagement, dans les secteurs à enjeux écologiques forts, permet de préserver les espèces et habitats d’espèces patrimoniaux»(Avis 2 MRAe p.8)
L’Ariège est encore préservée, mais pour combien de temps?
Les motivations du collectif vont donc au-delà d’une simple opposition qui pourrait facilement être étiquetée «réac», «contre tout», «radicale».
L’initiative locale de ce collectif s’inscrit dans la mouvance actuelle au plan national, européen et mondial de la volonté d’une meilleure prise en compte de l’environnement, des espaces naturels et de la biodiversité.
Le collectif À pas de loutre ne peut donc que manifester son désaccord avec le projet d’aménagement prévu sur la zone du lac à niveau constant de Montbel.
Selon ses termes, Coucoo propose à ses clients des «séjours hors du temps».
Il y a au contraire nécessité à être dans notre temps et à prendre au sérieux notre responsabilité quant au déclin de la nature.
Le projet Coucoo s’inscrit dans la lignée des projets du passé qui n’ont plus leur place aujourd’hui dans des secteurs comme celui du lac à niveau constant, compte tenu des nombreux enjeux environnementaux.
Rappel:
Fin 2020 a eu lieu l’enquête publique relative à la révision allégée n°1 du PLU de Montbel.
Beaucoup ont enfin pu être informés et ont pu s’exprimer sur ce projet .
Le commissaire enquêteur a mentionné: «une très forte participation lors de cette enquête (…) Le lancement de la pétition, porté à la connaissance du commissaire enquêteur le 08 novembre correspond à une nette augmentation de la fréquentation du site (…) 64% des déposants ont émis un avis défavorable au projet de la révision, contre 29,4% d’avis favorable ou réservé (26,7% d’ avis favorable)».
Même si certaines réserves et recommandations ont été émises à l’issue de cette enquête par le commissaire enquêteur, son avis est favorable au projet.
Le collectif À pas de loutre conteste cet avis.
Ce projet s’inscrit dans la volonté des collectivités territoriales à développer l’économie par le tourisme. Montbel a été désigné comme «le site touristique majeur» dans cet objectif.
Dans la lignée du «Schéma directeur de développement Touristique et des loisirs du lac de Montbel (2017)», l’IIABM (Institution Interdépartementale pour l’Aménagement du Barrage de Montbel) lance un appel à la manifestation d’intérêt concurrente le 08 Août 2019 en proposant une surface de 34 hectares autour du Lac à niveau constant pour un projet de type «Hébergement de plein air et respectueux de l’environnement». L’entreprise Coucoo est retenue et cette décision va impliquer l’installation d’un complexe hôtelier éparpillé sur cette zone.
Cependant, le lieu d’implantation du projet est en contradiction avec ce même schéma directeur qui préconise explicitement de protéger les zones d’intérêt du lac à niveau constant (réserve naturelle ou arrêté de protection de biotope) et de prendre en compte les données recueillies par l’ANA (Association des Naturalistes de l’Ariège), dans le cadre de la réalisation de l’inventaire de la biodiversité. Cette étude élaborée sur deux ans (2018-2020) a confirmé l’important intérêt écologique du site.
Le schéma directeur préconise également dans ses orientations de préserver les zones agricoles, naturelles et forestières.
Rappelons aussi en ce qui concerne les objectifs du Projet d’Aménagement et de Développement Durable que l’article L101-2 du Code de l’Urbanisme stipule:
«Dans le respect des objectifs du développement durable, l’action des collectivités publiques en matière d’urbanisme vise à atteindre les objectifs suivants:
2°c) Une utilisation économe des espaces naturels, la préservation des espaces naturels affectés aux activités agricoles et forestières et la protection des sites, des milieux et paysages naturels;
6° La protection des milieux naturels et des paysages, la préservation de la qualité de l’air, de l’eau, du sol et du sous-sol, des ressources naturelles, de la biodiversité, des écosystèmes, des espaces verts ainsi que la création, la préservation et la remise en bon état des continuités écologiques».
Alors, comment et pourquoi ce sont précisément les zones naturelles, agricoles et forestières du lac à niveau constant qui sont devenues les secteurs à aménager pour le complexe touristique Coucoo ?
Il se trouve que, si officiellement il y a eu appel à la manifestation en août 2019 et validation de la candidature de Coucoo avant le 15 Août, Coucoo explique lui-même que les négociations sont plus anciennes: «Depuis l’été 2018, nous travaillons ardemment sur le magnifique projet de Montbel pour lequel nous avons été sollicités par le département à travers son agence d’attractivité AAA (Agence Ariège Attractivité).» (cf courrier Coucoo du 12 octobre 2020: demande de recours gracieux quant à décision de soumission à étude d’impact de la DREAL (Direction Régionale de l’Environnement, de l’Aménagement et du Logement)
Conduit par l’AAA, le projet était donc déjà en étude un an avant l’appel à manifestation d’ intérêt concurrente.
Il apparaît donc que le choix des emplacements des nouveaux hébergements prévus autour du lac de Montbel a essentiellement été guidé par la nécessité de Coucoo à s’implanter dans un environnement d’ exception pour valoriser son image et satisfaire sa clientèle.
L’installation de Coucoo implique pour l’instant:
- 25 cabanes de luxe sur pilotis (sur les berges et sur l’eau).
- Bâtiment d’accueil en écoconstruction (500m2) avec piscine écologique (bassins à débordements de 180m2) surplombant le lac.
- Création d’accès pompiers au cœur des forêts et dans les champs jusqu’aux abords des cabanes.
- Enfouissement des réseaux électriques, d’eau potable et d’assainissement le long des dits accès.
- Création d’un ponton et de sa batellerie de bateaux électriques.
- Circulation de voitures électriques.
- Création d’un parking à Luga pour la clientèle (60 places ).
- passerelle (60 mètres)
Leur argumentation:«écoresponsabilité», «intégration paysagère» présente une image de conscience écologique que nous jugeons trompeuse.
Il s’agit plus exactement d’ utiliser des espaces naturels (aujourd’hui préservés d’une suractivité humaine) pour en tirer du profit, sous couvert d’«écologie», de«création d’emplois» et d’«impact économique local».
POURQUOI NOTRE OPPOSITION?
1- Une dynamique respectueuse de l’environnement autour du lac constant est compromise:
Marcheurs, randonneurs, VTT, pêcheurs, amoureux de la nature, naturalistes (ex: ANA), visitent de manière ponctuelle et régulière ce «lieu d’exception».
Petits sentiers, zones dégagées de bivouac et d’observation, se sont lentement dessinés par le discret passage des uns et des autres, au cours des 36 années d’existence du lac.
La dynamique actuelle et l’implication de citoyens soucieux de l’environnement font que ce tourisme de «passage» s’inscrit encore dans un cadre préservé qui favorise le maintien et le développement de cet écosystème.
Cet aménagement exposera continuellement les lieux au bruit et aux mouvements des hôtes de Coucoo.
2- Absence de consultation de la population et des usagers du lac:
La population, en amont de ce projet, a été mise à l’index, soulignant le peu d’importance accordée à nos qualités d’usagers du lac et de citoyens-nes.
Des propositions judicieuses sont faites régulièrement par des acteurs du territoire, usagers, habitants, naturalistes etc... mais ne sont pas prises en compte.
Nous protestons contre la décision des autorités territoriales qui a favorisé l’appropriation d’espaces aujourd’hui en libre accès par des investisseurs privés.
Quel avenir pour les usagers actuels du lac de Montbel?
Le choix d’avoir recours à une OAP sectorielle multisites (outil récent pour couvrir un territoire à urbaniser), laisse plus de liberté aux investisseurs. On peut craindre à long terme, une extension du projet. (OAP: Orientation d’Aménagement et de Programmation).
3- Le projet de la start-up Coucoo n’est pas motivé par un souci environnemental:
La démarche écoresponsable de Coucoo (utilisation de matériaux et aménagements écologiques, mesures prises appuyées sur l’ expertise de la société Nymphalis, suivi écologique pour les réalisations du projet, prise en compte des biotopes, de la biodiversité, des espèces sensibles à protéger), nous paraît trompeuse et inappropriée.
Le porteur de projet a mis en avant les aspects soit disant vertueux de son approche environnementale ce qui aurait permis selon lui de réaliser cet éco-complexe hôtelier sans dommage. Les éléments qui ont éclairé sur l’incohérence et l’incompatibilité du projet sur ce lieu n’ont pas été pris en compte.
Le délicat fonctionnement d’un écosystème est négligé:
En effet, «Un écosystème est un ensemble formé par une communauté d’êtres vivants en interrelation (biocénèse) avec son environnement (biotope). Les composants de l’écosystème développent un dense réseau complexe de dépendances, d’échanges d’énergie, d’ informations, et de matière permettant le maintien de la vie qui s’y développe» (définition wikipédia)
Les infrastructures prévues, (accès pour voiturettes électriques, réseaux d’assainissement, d’électricité, d’eau) desservant chaque cabane, perturberont inévitablement les subtils réseaux de cet écosystème, et cela en dépit de certaines mesures et précautions envisagées.
Dans la présentation du projet, la nature est trop souvent réduite à «un paysage».
Un décor qui garantit la satisfaction d’une clientèle de luxe lors d’un séjour «hors du temps» dans «un écrin de nature exceptionnel».
Les avis de la MRAe ont clairement alerté Coucoo et la collectivité de la menace du projet sur l’ environnement (faune et flore, écosystèmes). L’ évaluation de la MRAe n’a pas la qualité réglementaire pour interdire la révision du PLU de Montbel et le projet Coucoo. Cependant, bien que la collectivité et Coucoo aient minimisé et ignoré certaines de ses recommandations, ces rapports défavorables n’ont pas pour autant disparu. Ces avis continuent à nos yeux à souligner l’incohérence du projet.
Au regard des enjeux écologiques actuels, il est inconscient de minimiser de tels avertissements.
Il est à souligner que les deux entrepreneurs de Coucoo, MM De Moustier et De la Bedoyère (anciens de banques d’affaires), sont gérants de châteaux appartenant aux patrimoines familiaux, transformés en hôtels de luxe, entourés de leurs terrains de golf respectifs.
M De Moustier a commencé le concept de «cabanes» sur un autre site familial. Un domaine «industriel»: forges au XVIII et XIXe siècle, domaine agricole au XX° puis gravière à partir des années 60. Cette dernière activité donna naissance aux 5 grands lacs du domaine sur lequel la famille créa un camping haut de gamme 5 étoiles. Voilà dix ans que M De Moustier implantât ces premières et fructueuses cabanes.
De sa rencontre avec M De la Bedoyère est né un deuxième établissement sur le golf et château de ce dernier à plusieurs centaines de kilomètres du précédent.
Rappelons aussi, que Coucoo gère actuellement 4 établissements et en ouvrira 3 nouveaux d’ici 2021. Son objectif est d’exploiter 12 sites en 2025 et prévoit de réaliser 16 millions de chiffre d’affaire contre 3,7 millions d’euros aujourd’hui. Une levée de fond leur à permis de récolter 3,5 Millions d’ Euros pour leurs projets à venir et ils ont l’ intention de récolter encore 8 millions pour la suite.
Si leur démarche écoresponsable paraît adaptée sur ce qu’ils ont aménagé sur leurs terres familiales, châteaux, golfs, campings, elle s’ avère plus douteuse et inappropriée en ce qui concerne la zone du lac dit «à niveau constant» (lac de la Fajane).
Si la gestion écologique du site est réalisée par un bureau écologique privé mandaté par Coucoo nous doutons de sa partialité.
Leur manière de se présenter comme des protecteurs de l’environnement relève plus d’une récupération, d’ une «tendance actuelle», d’un marketing pour étendre leur marché. L’ étude d’ impact demandée par la DREAL, les avertissements et demandes de nombreuses précisions par la
MRAe ont été minimisées.
Leur recours récurrent à la séquence
«éviter, réduire, compenser» n’est qu’une esquive.
4- Nous contestons l’ argument :«Aménagement touristique prévu dès le début dans la zone du lac constant.»
Inversement, le lac à niveau variable n’était pas voué au tourisme et s’ est vu être aménagé de manière exponentielle ces dernières années.
Depuis 36 ans, le lac à niveau constant a vu se développer des écosystèmes, une faune et une flore intéressantes mises en évidence par les études naturalistes.
Le schéma directeur de 2017 prévoyait la protection du lac à niveau constant.
Ce projet va à l’encontre du schéma directeur.
5- Appropriation d’ espaces communs à ce jour libres d’accès.
L’implantation des cabanes supprimera les sentiers au niveau des berges et repoussera les usagers sur des chemins carrossables dans les bois.
L’ appropriation de cet espace actuellement en libre accès pénalisera les usagers (pêcheurs, marcheurs, amoureux de la nature) et mettra en péril leurs activités dans ce secteur.
Nous sommes à même de penser que les 34 hectares dédiés à l’ éco-domaine, pourraient être interdits aux usagers puisque le sujet n’ est pas abordé dans la révision allégée n°1 du PLU. Malgré la réponse des autorités au commissaire enquêteur, nous restons inquiets.
6- Faiblesse des arguments «rayonnement local», «création d’ emplois».
Au minimum 15 emplois sont déjà générés par des entrepreneurs locaux sur les rives du lac de Montbel (buvettes, restaurants, parcs de jeux, camping, gîtes). On peut aussi ajouter les nombreuses soirées musicales qui participent à faire travailler des musiciens.
Par l’ intermédiaire du comité consultatif de la Maison du lac, la commune de Montbel et certains citoyens ont amorcé une vie culturelle qui offre des emplois à des artistes locaux et occasionne des moments de rencontre et de convivialité.
Toutes ces initiatives génèrent de l’emploi, proposent des activités aux enfants et adultes venant au lac pour s’amuser et partager des moments agréables.
Le dossier minimise l’action des acteurs locaux, qui proposent des hébergement (gîtes), des emplois, sans risquer de supprimer des espaces communs ouverts à tous.
Pourquoi les collectivités ne privilégient-t-elles pas cette continuité de développement local?
Nous sommes pour une véritable coopération avec citoyens, usagers, naturalistes, producteurs locaux, etc... pour une véritable dynamique collective de territoire.
Dans cette lignée, nous demandons aux élus de favoriser et d’accompagner les initiatives et porteurs de projet locaux. Ce serait le signe d’une volonté d’incarner le véritable rôle qui leur est assigné: représenter leurs citoyens-nes.
Pour les aigrettes garzettes, les foulques, les tritons palmés, les grèbes huppées, les rainettes méridionales, les sarcelles d’hiver, les 6 espèces de pics, les couleuvres helvétiques, les genettes communes, les agrions porte-coupe, les anax napolitains, les pachas à deux queues, les 23 espèces de chauve-souris, les écrevisses, les loutres, les hérons cendrés, les martin pêcheurs, les pies grièches, le potamot luisant, la nitelle hyaline, le mazus pumilus et tous les autres qu’on ne cite pas…
Et tout simplement parce que nous sommes des citoyens-nes et que vous êtes des citoyens-nes, le collectif À PAS DE LOUTRE partage ce manifeste et vous invite à vous documenter sur le sujet et à vous mobiliser avec nous contre ce projet.
Si vous vous sentez concernés, vous pouvez nous contacter par mail
Pour ceux qui n’ ont toujours pas signé, la pétition est toujours en ligne:
https://www.change.org/STOP-EcoComplexeHotelierCoucooLacNiveauConstantMontbelAriège09